CRITIC KNIGHTS


Des hommes sans loi de John Hillcoat
avec Shia Labeouf, Tom Hard, Jessica Chastain, Jason Clarke, Guy Pearce, Mia Wasikowska, Gary Oldman
Note: ♥♥♥
Deuxième vision, point de vue qui s'éclaircit. C'était le film de la rentrée que je voulais voir pour de nombreuses raisons: son réalisateur est un très bon réalisateur qui a su mettre à son goût un genre très américain (The proposition un western australien très chamanique), son casting de folie (Tom Hardy, Gary Oldman, Jessica Chastain, Guy Pearce entre autre) et son mélange (le film de gangster et le western). Le film a été écrit par Nick Cave (compositeur et scénariste du film) et on sent une empreinte très australienne sur ce récit tiré d'une histoire vraie (racontée par Matt Bondurant, un descendant de la famille Bondurant).
Présenté à Cannes, Lawless (titre en V.O.) est reparti bredouille alors que le film avait des qualités de lauréat.
A la 1ère vision, j'étais surpris par son ambiance (australienne) et sa façon de dépeindre une période noire et très cinématographique de l'histoire américaine (la prohibition). L'histoire est celle des frères Bondurant (une légende locale les considère comme indestructibles) qui se retrouvent confrontés à un agent fédéral corrompu et violent. Leur rébellion va conduire à une guerre impitoyable.
Derrière un scénario classique, John Hillcoat décide de livrer un film de gangster à part sur de nombreux points.
Ce film aurait pu s'appeler Combat sans code d'honneur, car il est dépeint un univers où la paix règne grâce à des règles piétinées par des étrangers malveillants, en effet quand le film commence il dépeint les Bondurant comme des hommes de biens sympathiques avec la population de la ville (que ce soit les noirs, la police locale, les fermiers, les citadins). Du point de vue des Bondurant, la paix règne dans leur comté et l'unique vision du monde extérieure dépeint une ville violente, sans code d'honneur (vision d'un règlement de compte violent porté en gloire par des enfants). Le monde des Bondurant est souvent attaqué mais toujours ils ramènent l'ordre.
Mais très vite leur monde de paix est gangréné par la violence et les fantasmes de la ville (les arrivées de Floyd Baner et de Maggie) et vont perturber la raison des Bondurant (surtout Jack et Forrest). Dès que leur havre de paix va être perturbé, rien ne sera plus comme avant.
C'est un film a l'ambiance particulière et certaines scènes du film démontrent une identité australienne, chamanique: la séquence dans le quartier des noirs, la séquence à l'église, Howard et consort autour d'un feu de camp, l'omniprésence de la nature. Clairement le film s'inscrit dans la continuité de The proposition.
Et pour filmer le tout, John Hillcoat semble s'inspirer de Sergio Leone, en de nombreux points il s'en rapproche grandement: l'envie de faire d'un des protagonistes du film une figure westernienne qui parle peu mais qui sait réagir (Tom Hardy ressemble à une version musclée de Clint Eastwood), ensuite le film est composé de gueules (que ce soit les premiers rôles ou les figurants tous ont un visage qui marque l'écran) et cette façon de faire monter la tension jusqu'à ce qu'elle explose dans le sang.
Des gueules, le film en regorge que ce soit les frères Bondurant, les douces Jessica Chastain et Mia Wasikowska (les soleils de ce film) ou Guy Pearce méconnaissable (et flippant) jusque dans les figurants.
Quant à la violence, elle est choquante, longue, pénible à regarder, agresseurs ou vengeurs, il est impossible de faire la différence car ils réagissent tous avec la même agressivité, avec le même acharnement pour en faire baver.
Des hommes sans lois est aussi un film sexuel, cela peut paraître bizarre à dire comme ça, mais on pourrait résumer la rivalité entre Jack et ses frères à un concours de bite: Jack est visiblement impuissant, Forrest en impose beaucoup (au point d'impressionner dès leur 1ère rencontre Maggie), Howard est du genre à se laisser vivre mais il trouve sa force dans l'alcool. Jack est impuissant et cherche à se démarquer en se pavanant dans de beaux costumes, de belles voitures, en se créant le personnage qu'il a toujours voulu être mais qui ne tient pas face à des types qui en ont une plus grosse que eux.
Pour ce qui est du personnage de Charlie Rex (magnifiquement interprété par Guy Pearce), son rapport avec les autres est plus complexe, il cherche à maitriser les gens qu'il considère comme inférieur ou à les humilier (son conflit avec les Bondurant, la relation sexuelle louche qu'il entretient avec une femme noire).
Il n'est pas question (comme on a pu l'entendre par certains critiques) de femme qui sauve la virilité masculine mais d'hommes qui se battent pour savoir qui a la plus grosse (la femme étant la récompense).
Pour ce qui est du casting il n y a rien à dire dessus, c'est du 5 étoiles: Shia Labeouf range son costume de super sauveur du monde pour devenir un type impuissant, rustre mais ambitieux, trop ambitieux, son duo explosif et tendu avec Tom Hardy rend leurs échanges mémorable. Tom Hardy, qui est l'étoile montante de Hollywood, confirme son statut de grand acteur, composant un Forrest Bondurant surprenant (imaginez un ours mal réveillé avec le caractère très silencieux d'un Clint Eastwood). Jason Clarke est génial aussi, composant un frère ainé pas stupide mais réagissant au quart de tour et toujours à l'affut d'un peu de combat.
Jessica Chastain est magnifique, une représente idéale de la femme des années 30 (mystérieuse, magnifique) et Mia Wasikowska est l'innocence incarnée.
Gary Oldman, bien que peu présent dans le film, est à la fois froid, brutal mais respectant les hommes d'honneur. Guy Pearce est lui aussi phénoménal, méconnaissable, il compose un personnage trop beau pour être clair, et ressemble au final plus à un psychopathe qu'à un représentant de la loi.
Et Dane DeHann (le méchant de Chronicle) change de registre en jouant un petit paysan simplet mais plein d'énergie. Bref ces hommes sans loi sont excellents.
Ce film est excellent malgré des faux raccords assez énormes et peut être que laisser 10 minutes de plus aurait pu être utile.
Mais la reconstitution d'une époque, l'écho qu'il en ressort avec la situation économique aujourd'hui, son casting de fou, sa violence brutale, son identité particulière (ambiance et réalisation empruntant à Leone) et sa B.O. extraordinaire font Des hommes sans loi un film de gangster magistral.